La chronique de Bill

8 mars 2011

VU DE L’EXTERIEUR
Evidemment, le parking est plein et je vais encore devoir me garer à perpète. Ca valait bien la peine d’arriver en avance. Bon, on y est, voilà le type des tickets d’entrée derrière sa table en formica, les deux mains sur la boîte en fer blanc qu’il nomme pompeusement « la caisse ». Pour y garder trois francs six sous, autant se servir d’une boîte à chaussures. Et bien sûr, pas la moindre place sur les gradins, je vais encore devoir rester debout, ça démarre fort. Déjà qu’on vient de me taxer de cinq euros, je pourrais au moins avoir un endroit où m’asseoir, non ? Et les joueurs ? En retard pour l’échauffement, ça ne m’étonne pas. Les voilà enfin, avec leurs affreux t-shirts jaunes. Mais qui a eu cette idée débile de les habiller comme des poussins ? Allez, c’est parti pour 30 minutes de singeries sur un demi-terrain. Un demi, pas plus, il ne faudrait pas qu’ils se fatiguent de trop surtout. Petites courses en avant, en arrière. Petites courses genoux levés, mais il faut mettre ses lunettes pour voir qu’ils sont levés, ces genoux. Vagues moulinets des bras. Sauts en extension, mais ça ne saute pas bien haut. Sans blague, vous appelez ça s’échauffer ? Et c’est quoi, çà ? Ils vont nous présenter tous les joueurs un par un ? Tout ça parce qu’ils sont qualifiés pour les play-offs ? Ca leur monte à la tête ou quoi ? Pfff, quand est-ce qu’il commence ce match ?
Triiit, c’est parti. Et mal parti, les autres mènent déjà. Horreur, à chaque but, il y a un zigoto pour claironner le score et le nom du buteur dans un micro. Et quand le but est pour nous, il ajoute en prime trois mesures d’une musique de sauvages quelconque. Misère ! Triiit, l’arbitre sanctionne une charge incorrecte, deux minutes de suspension pour le fautif. Je parie que cela ne changera rien et qu’ils ne seront même pas capables d’en profiter pour marquer. C’est quoi ces moutards qui passent et repassent devant les gradins ? On ne peut pas les virer de là ? Ce n’est quand même pas une plaine de jeux cette salle. Pouêêêt, temps mort. C’est le moment de se mettre un peu plus de colle sur les mains, histoire que le ballon arrête de filer chez les voisins, ce ne serait pas du luxe. Pouêêêt, reprise. Qu’est-ce qu’ils se traînent sur ce terrain ! A croire qu’ils ont guindaillé hier jusqu’à pas d’heure. Et ce n’est pas mieux de l’autre côté. Dans les gradins, le public applaudit, il n’y a vraiment pas de quoi. Et qu’est-ce qu’il fabrique celui-là ? Toujours en retard sur le ballon, il se croit au Club Med ? Il attend quoi, le coach, pour le remplacer ? Qu’il y ait un joueur valable sur le banc ? Ce n’est pas demain la veille. Triiit, et un jaune dehors. Triiit, et un 2e jaune dehors, si ça continue, il ne restera que le gardien. Pouêêêt. Ouf, c’est fini. Ils ont intérêt à se gaver de boissons énergisantes pendant la pause. Et après ça, on dira encore que je suis de mauvaise foi.
Je meurs de soif dans cette salle surchauffée mais évidemment, il n’y personne à la cafétéria pour me servir quelque chose à boire. Tant pis, je redescends m’asseoir. Non mais j’hallucine ! Il y en a un qui a eu le culot de me piquer ma place !
Triiit, début de la deuxième mi-temps, espérons qu’elle sera meilleure. On peut toujours rêver, ça ne mange pas de pain. Mais qu’est-ce qu’elle fait, celle-là, elle ne va quand même pas donner une tartine à son môme ? Après « plaine de jeux », voilà qu’on fait « réfectoire » maintenant, c’est un comble. Sur le terrain, ça trottine à peine. Normal, leurs kilos en trop sont lourds à traîner. On a remplacé quelques vieux par des jeunes mais ils n’ont pas fait illusion très longtemps. Au marquoir, l’écart se creuse. Triiit contre nous, le public proteste d’office, comme d’habitude, que le coup de sifflet soit justifié ou non. Le coach s’énerve, on se demande pourquoi, si ce n’est pour faire son malin et se prendre une carte jaune. Une nana se lève pour aller bercer un moufflet qui s’agite dans sa poussette. N’importe quoi, on fait « crèche » aussi. Il n’y aurait pas moyen de faire taire le mec qui commente le match en direct derrière moi ? C’est soûlant, à force. Côté terrain, on ne peut pas dire que l’inspiration soit au rendez-vous. Pouêêêt, temps « des morts », vu qu’il n’y a que des zombies sur le parquet. Pouêêêt. Ca repart, et ça manque toujours autant de punch, ils sont tous branchés sur le 110 V. Il y en a même un qui profite d’être « pris en individuel », comme ils disent, pour se la couler douce. Quant aux autres, il faudrait élargir la cage adverse pour qu’ils aient une chance que le ballon y entre. Triiit. Penalty contre nous. Mais c’est quoi ce gardien ? Il arrête le pénalty et n’est même pas fichu de faire en sorte que le ballon arrive chez un des nôtres. Triiit, l’arbitre réclame le « préposé salle » pour essuyer de la sueur devant le but opposé. On se demande quelle sueur il va bien pouvoir trouver. Pouêêêt. C’est enfin fini. On a perdu, évidemment, et ils vont encore dire que c’est parce qu’il manquait trois joueurs « importants ».
Direction la cafétéria. Il va falloir se farcir les mioches qui courent dans tous les coins, les supporters qui font des têtes d’un mètre cinquante parce qu’ils viennent de se faire ratatiner, les joueurs qui enfilent les bières et les sandwiches plus vite que les buts et les nanas qui demandent toutes les cinq minutes « on y va ? ». En plus, il faudra attendre quatre plombes pour avoir son godet vu que le barman sera tout seul.
Bon, c’est l’heure de se casser, faut revenir dans quinze jours.

Bill le râleur.