La chronique de Bill

16 mai 2011

Cette fois, c’est vraiment le der des ders. Je suis déjà dans la salle et j’attends bien sagement avec mes potes. On se regarde en se demandant lequel d’entre nous sera à l’honneur pour ce dernier match, qui aura le privilège de se retrouver pile au milieu du terrain dans quelques minutes. Pourvu que ce soit moi, pourvu que ce soit moi. Et… youpi, c’est moi ! J’aurais volontiers pris un bain pour l’occase mais tant pis. Ceci dit, ça n’aurait pas changé grand-chose vu qu’après une heure, on est quand même tout crasseux de partout.
Trîîît, ça y est, c’est parti pour la première mi-temps. A l’entame du match, j’ai toujours l’impression que ceux qui ont le ballon s’efforcent de le faire passer au moins une fois à chacun des joueurs, histoire qu’ils aient tous l’occasion de le toucher, de le tâter, de vérifier qu’ils l’ont bien en main. Certains le caressent, d’autres le frappent violemment au sol pour voir sa réaction. Les bisous, c’est assez rare. En tout cas, leur point commun, c’est d’avoir un truc collant sur les mains, comme pour éviter que le ballon leur échappe, mais en même temps, vu que leur seule idée est de s’en défaire au plus vite, je comprends pas bien. Ce qui est clair, c’est que ça nous colle dessus toutes les crasses de la salle et qu’à force, on devient des choses immondes dont on ne parvient même plus à distinguer la couleur originale. Avant, on se vengeait en laissant exprès des taches noires partout sur le parquet qu’ils étaient obligés de nettoyer à quatre pattes après la rencontre, mais il paraît qu’ils ont une machine magique qui élimine tout ça en un clin d’œil maintenant. Je demande à voir. Bon, allez, assez bavardé. Je me suis déjà trimballé six fois d’un bout à l’autre du terrain, j’ai pris un poteau au milieu du front, un coup de pied dans les côtes, fait une brève sieste dans un filet et joué au trampoline dans l’autre mais le marquoir est encore vierge, c’est toujours 0-0. Le temps de le dire et crac, je me prends le mur de plein fouet et le score est ouvert pour les adversaires. Mais qu’est-ce qu’il me fait le gardien ? Non mais, ça va pas la tête ? Il est fou de me frotter comme ça sur le mur, tu parles d’un peeling ! Je vais être tout râpé, ça oui ! Le jeu se poursuit. Eh, toi là-bas, qu’est-ce que tu fais sur le terrain ? T’es même pas un ballon de hand en plus. Casse-toi de là vite fait ! Pas question de donner ma place à qui que ce soit. Prendre des coups, de pied, de poing, de poteau, de mur, faire des vols, planés ou non, c’est mon métier et j’adore ça. Entretemps, le marquoir a bien évolué, le chrono aussi, et on me permet un petit quart d’heure de pause. Le jeu reprend très vite et le score s’emballe pour les autres. Et quoi ? Encore un pote sur le terrain ? L’arbitre va l’enguirlander, ça c’est sûr. Et ça ne fait pas un pli, le type de la table se précipite d’ailleurs vers les spectateurs pour les rappeler à l’ordre : un seul ballon sur le parquet siouplé. Je commence à fatiguer un peu, je fais mine d’aller me cacher sous les tribunes, juste pour le fun, mais une grande main me rattrape in extremis. Notre avance fond comme neige au soleil. Impossible d’entrer dans le but des autres : ou bien les nôtres manquent de précision et je ne peux vraiment rien faire, ou bien le gardien adverse parvient à me frapper ou à m’attraper, même si je tente de lui échapper par tous les moyens. C’est d’autant plus râlant que quand je suis en face, les tirs sont presque tous réussis. J’essaie de toutes mes forces d’éviter le but mais rien n’y fait, je termine au fond de nos filets.
Trîîît, fin du match, j’ai fait de mon mieux mais on a perdu quand même. Je rejoins mes potes et je me dis que ce serait pas du luxe qu’on fasse un brin de toilette cet été.
Car les joueurs, non seulement ils ont droit à une douche, eux, mais en plus, ce soir, ils vont pouvoir se régaler avec le barbecue de fin de saison.
Miam, ça sent bon jusque dans la salle !

Bill le gonflé