La chronique de Bill – 9 avril 2011

13 avril 2011

Il fait un temps superbe, ça tombe bien car la pluie et le vent, ça me ruine le brushing. Petit passage par la case miroir quand même, on ne sait jamais, avant d’entrer dans la salle. Le charmant monsieur des tickets me confirme qu’il n’y a toujours pas de vestiaire où déposer ma gabardine. C’est galère, elle va être toute chiffonnée si je ne peux pas la mettre sur un cintre. Bon, tant pis. Il est vraiment joli le mécano tout en bois mais les bancs ne sont pas très confortables, faudrait que je me prenne un coussin. Entrée des joueurs. Qu’est-ce qu’ils sont beaux dans leurs costumes jaune et bleu ! Les voici à l’échauffement. Mon dieu, quelle énergie ils dépensent déjà ! Ils vont être tout décoiffés et tout en sueur avant de commencer, les pauvres. Et puis ils vont se blesser avec ces espèces d’embrassades viriles. Je préfère regarder le gardien en position du lotus, il me fait moins peur. Les adversaires sont là aussi, ils ont des bouteilles d’un liquide bizarre qu’on dirait du lait-fraise. Oh, mais il est tout sale le ballon ! Il n’y a personne qui a pensé à le savonner avant le match ?
L’arbitre siffle le début de la rencontre, j’espère que les visiteurs seront gentils. Mes illusions s’envolent très vite, les vilains d’en face n’arrêtent pas d’essayer de nous chiper notre ballon et de le lancer de toutes leurs forces sur notre gardien. Heureusement qu’il est attentif et ne se laisse pas faire ! Ah, le gardien, il est tellement grand que quand je le vois s’agiter dans sa cage en tricot blanc, j’ai toujours peur qu’il se cogne la tête à la barre transversale. Le jeu se poursuit. Trîîît, l’arbitre sort un joueur parce qu’il n’aime pas son bracelet. Jaloux, va. Le jeu reprend. Aïe ! Mais ils sont pires que des brutes sanguinaires ces visiteurs ! Et qu’est-ce qu’ils sont courageux les nôtres, jamais un cri, jamais une plainte, jamais une larme même quand l’adversaire les casse en deux. C’est pas comme sur les terrains de football, où ils se tordent de douleur pendant cent sept ans et se relèvent frais comme des gardons aussitôt que l’arbitre leur a accordé le coup franc qu’ils attendaient. Mais moi, là, j’ai failli m’évanouir quand même. Le match continue. Ya un monsieur qui fait des commentaires pas très aimables derrière moi, j’espère qu’il ne va pas se prendre un mauvais coup d’un supporter adverse à la sortie.
Pouêêêt, au moment où l’arbitre siffle la fin de la première mi-temps, les visiteurs marquent encore et nous privent de l’ex-æquo. Il faut que j’aille me remettre de mes émotions à la cafétéria. Mademoiselle, je pourrais avoir un diabolo menthe s’il vous plait ?
Pouêêêt, début de la 2e mi-temps. Les nôtres ont dû apprendre qu’il n’y a ni infirmier dans la salle ni ambulance dehors et sont tétanisés d’angoisse. Les visiteurs, eux, n’en savent rien et continuent à prendre tous les risques. Mais il faudrait quand même qu’ils arrêtent de tirer sur nos maillots, ils vont finir par les déchirer. Tiens, ils sont où les enfants ? D’habitude, ils sont plus nombreux que ça. Ouille, il y en a un qui s’est fait mal. Il reste d’abord par terre en attendant le soigneur, puis se relève et rejoint son banc en sautillant sur un pied, j’espère pour lui que ce ne sera pas trop grave. En même temps, comme c’est pas un des nôtres, ça m’est bien égal… C’est vraiment dangereux ce sport. On le voit bien aux joueurs, ils sont tout rafistolés de partout. Il y en a même un qui cumule chevillière, genouillère, coudière, un énorme bandage à l’avant-bras et un tape à un doigt. Un vrai Robocop. Et quand je les vois plonger pour marquer, ça me fait des palpitations tellement je panique pour eux. Saperlipopette, il y en a un qui a encore filé un coup à un des nôtres. Si j’étais l’arbitre, je l’aurais déjà envoyé tout droit en prison sans passer par la case départ. C’est pas parce qu’ils mènent de dix points qu’ils doivent se croire tout permis. Heureusement que les épouses de nos joueurs leur font des massages après le match.
Pouêêêt, fin de la rencontre. On a perdu. Pour un peu j’en pleurerais, et d’ailleurs, j’en pleure. C’est trop d’émotions, il va me falloir trois mois pour m’en remettre. Ceci dit, ça tombe bien, c’était le dernier match à domicile de la saison.

Bill le délicat