La chronique de Bill – 5 avril 2011

5 avril 2011

Enfin le grand jour, le meilleur moment de la semaine, et de loin. On va encore gagner, je le sais, je le sens. J’ai mon drapeau jaune et bleu et ma vuvuzela, tout va bien. Et d’abord, un petit passage par la cafèt’, histoire de descendre quelques bières pour se mettre dans l’ambiance. Et tant pis si ce n’est pas vraiment l’heure. Allez, cette fois, il est temps d’y aller. Je m’installe dans les gradins, bien haut pour bien tout voir. Les autres ne vont pas tarder, ça va chauffer cet après-midi, on va les croquer comme de vulgaires biscottes, les visiteurs. Ah, voilà les nôtres qui arrivent pour l’échauffement. Trop la classe dans leurs sweats bleus ! Ya pas photo, quand tu vois les autres avec leurs loques noires sur le dos, t’as tout de suite compris que les vrais champions, c’est nous. Et à propos de photo, j’en voudrais bien une dédicacée par tous les joueurs pour mettre dans mon salon, ce serait vraiment trop cool ! Regarde-les courir comme des gazelles d’un côté à l’autre, ils sont increvables, d’une souplesse incroyable et d’une force herculéenne. Ya pas à dire, c’est vraiment le top du top ces mecs. Pas étonnant qu’ils soient pratiquement invaincus, que peut-on faire contre de tels athlètes ? Allez, faut que ça commence, je n’en peux plus d’attendre !
Triiit, l’arbitre siffle enfin le début du match. Et tout de suite, comme il fallait s’y attendre, les visiteurs se font chouraver le ballon par un des nôtres, plus vif et plus habile. On est vraiment trop bons. Le marquoir va griller tellement on va leur en mettre, des buts. Et crac, v’là déjà le premier, les visiteurs vont vite comprendre leur douleur. A eux le ballon mais on ne va pas leur laisser l’occasion d’en faire quoi que ce soit. Tiens, qu’est-ce que je disais, le tir est manqué, au moins trois mètres à côté du but. S’ils continuent comme ça, on peut envoyer notre gardien en vacances. Ce serait bien s’ils distribuaient des bières et du pop-corn dans les gradins. Triiit ! Contre nous ? Et puis quoi encore ? Faut qu’il mette des lunettes, cet arbitre, histoire de reconnaître d’un seul coup d’œil les joueurs qui se croient dans une piscine plutôt que sur un parquet. C’est reparti pour nous, avec un deuxième but d’une de nos jeunes pousses. A propos de jeunes, justement, les enfants sont tous là et ceux en âge de marcher tournicotent joyeusement autour des gradins. Faut qu’ils baignent dans l’ambiance dès le berceau, si on veut assurer la relève ! Le match se poursuit, les nôtres sont hallucinants de puissance, malgré la fatigue de toute une saison au plus haut niveau. Et après avoir laissé les autres prendre l’avantage pour ne pas les décourager trop vite, on remet les pendules à l’heure juste avant la pause.
Pouêêêt, fin de la première mi-temps. Va falloir que le coach adverse trouve des vitamines pour ses joueurs s’il veut éviter le ridicule. Quant à mon gosier desséché, il réclame d’urgence quelques bières bien fraîches.
Houlà, il est temps de redescendre dans l’arène, le combat va reprendre d’un instant à l’autre. Pouêêêt, ça y est. Les quinze minutes de repos n’ont rien changé pour les autres, ils sont toujours aussi mauvais et ne peuvent rien faire sauf regarder le ballon virevolter entre nos joueurs et terminer dans leurs filets. Il va bientôt nous falloir un marquoir à trois chiffres tellement on est bons. Passes millimétrées, précision chirurgicale dans les tirs au but, on est vraiment des pointures du hand. Je me demande d’ailleurs ce qu’on fait en deuxième division. Trîîît, l’arbitre sanctionne les nuls d’en face qui n’ont toujours pas trouvé le moyen d’enrayer la déferlante de buts et commettent des fautes stupides. Et nos voisins de gradin ont beau vociférer, rien n’y fait, l’arbitre est intraitable. Et crac, un tir puissant et cadré de plus. Les autres n’auront bientôt plus que leurs yeux pour pleurer. Quant à nos mômes, ils dessinent gentiment au bord du terrain, sages comme des images. A côté, ça coache depuis les gradins et c’est aussi soûlant qu’inutile. Un peu comme cette crécelle, d’ailleurs. Trîîît ! Et quoi ? Le ballon à qui ? Faudrait que les arbitres se mettent d’accord. Et ça repart de plus belle. Et quoi ? Ils sont où les arbitres ? Ils laissent l’action se poursuivre alors qu’un de nos meilleurs joueurs gît inanimé sur le parquet ? Il leur faut quoi pour arrêter le jeu ? Du sang, peut-être ? C’est pas parce qu’on est époustouflants sur le terrain qu’il faut nous mettre des bâtons dans les roues ! Le jeu reprend. On laisse les visiteurs mener, juste pour maintenir le suspense et leur donner l’illusion qu’ils peuvent éventuellement gagner. Dans les dernières minutes du match, avec un gardien génial, une défense en béton et des attaquants inspirés, on reprend la tête pour ne plus la quitter. Pouêêêt, la messe est dite, le calvaire des adversaires prend fin et nous, on saute de joie. On l’a vachement bien méritée, cette victoire !
Et maintenant, vite à la cafèt’ pour fêter ça et se remettre de ses émotions. C’est pas l’habitude qu’il fasse encore clair mais la bière coule à flots quand même, les sandwiches volent dans les estomacs affamés, on se remémore les meilleures actions du match, le coach affiche un large sourire et les joueurs remontés un à un des vestiaires ont toutes les raisons d’être fiers.
Bon, faut quand même penser à rentrer, dernier match à domicile samedi prochain.
Bill le tifosi